Maud Goanvic Biographe

Le blog


Loin des préjugés.

Ce matin, je me suis rendue dans une association caritative pour laquelle je donne un peu de mon temps pour la rédaction d’un mensuel. C’est alors qu’une bénévole m’a proposé de venir prendre le café avec les sans-abris qu’elle accueille tous les matins pour le petit-déjeuner, en contrepartie d’une douche. Curieux de connaître cette nouvelle tête, les bénéficiaires sont venus à ma rencontre. Je me suis présentée et leurs questions ont fusé. J’ai écouté Michel qui avait manifestement envie d’échanger. S’il habite dans les bois « avec tout le confort », Michel vit pour la poésie. Il a créé le « cercle des poètes sans abris » : tous les jeudis, accompagné de ses compagnons d’infortune, ils se retrouvent dans un parc pour y lire des poèmes. 
Puis Michel a reculé de quelques pas et s'est mis à me réciter un poème de Baudelaire. Je n’oublierai jamais la saveur de ce café.

Maud Goanvic Biographe


Jude aimait les sensations fortes. Certains soirs elle ressentait le besoin impérieux d’un voyage intime. Alors elle mettait en place le rituel qui la guiderait vers des contrées fabuleuses avec la promesse d’une balade exaltante au pays des sens. 

Elle se préparait avec soin. Elle lissait ses longs cheveux, mettait du mascara sur ses grands yeux étonnés et disposait une touche de blush sur ses lèvres. 

Elle enfilait une combinaison noire qui mettait en valeur son corps élancé, puis chaussait ses escarpins. La psyché lui renvoyait l’image d’une beauté un peu froide qu’elle assumait. Venait le moment qu’elle affectionnait le plus, celui de la « final touch ». Elle ôtait le cabochon d’un parfum qui attendait sur la coiffeuse. Sa fragrance mettait en éveil ses sens et le voyage pouvait commencer. 

 

Déjà les gouttes tombaient entre ses deux seins. Elle s’asseyait, fermait les yeux, renversait un peu la tête comme si elle offrait son cou aux baisers d’un inconnu. Soudain la musique de ses sens se mettait inexorablement en place. Elle s’accompagnait de l’odeur des bougies éteintes après un dîner trop arrosé. Leurs fumées se mêlaient aux volutes avortées de cigarettes écrasées à la hâte. Elle imaginait au bout du couloir sombre la lueur d’une lampe qui l’appelait. Le lin d’une chemise effleurait son bras. Elle s’emparait de son odeur, si masculine. 

Ces émanations étaient douces mais entêtantes. Elle avait envie d’en faire une spirale dont elle aurait été le centre. Son cœur palpitait et réveillait les papillons de son ventre. 

Son corps se balançait doucement d’avant en arrière au son d’accords subtils animés par son désir. Elle entendait des notes cristallines qui la faisaient vibrer. La mélodie l’enveloppait de ses notes noires. Elle songea que ces accords surgissaient des entrailles de la terre. Elle écoutait cette pluie de sons qui pénétrait sa chair et cherchait le flux de son sang. Elle se sentait désorientée. Elle n’avait plus conscience de ce qui l’entourait. 

 

Elle se laissait aller ainsi plusieurs minutes jusqu’à ce que la musique intérieure se taise. Puis elle ouvrait les yeux en regardant la fiole. Le parfum se nommait « scandale ». 

 

Maud Goanvic Biographe 

 



Se laisser emporter par le spleen, s’envelopper de ses brumes insidieuses.
 

Oser l’abandon de l’esprit vers des abîmes sans fin aux entrailles déjà sclérosées.

Larmes d’amour qui glissent sans maîtrise, qui portent  nos rêves loin de notre cœur,

Images qui deviennent icônes comme pour éloigner le présent et fixer le passé,

Tambour cérébral qui rythme inlassablement  les tourments de l’âme.

Un oiseau se pose sur le fil de nos tourments, il chante la Nature .

Douce mélodie qui nous ramène à ici et maintenant,

Épouser enfin le silence qui nous mène au dépouillement de notre être. 

Maud Goanvic Biographe

 






Nous nous sommes rencontrés sur la grève de mon enfance. Je foulais son sable à la recherche de quelques trésors oubliés : carapaces d’araignées éventrées par un ressac incessant, bois flottés aux interstices épurés, myriade de coquillages hétéroclites qui forment des îlots de couleurs. Je fendais le vent marin et ressentais par touches infimes, ses embruns sur mon visage. Je me sentais une âme de corsaire, prête à partir à la conquête de nouveaux mondes.  Mes yeux avalaient l’horizon bleu verdâtre d’une mer indomptable. Le chant des mouettes amplifiait les battements de mon cœur. Je me sentais ivre de liberté. Puis, tu es apparu. Touche de couleur jaune au milieu de gris camaïeu. Tu étais l’intrus dans cette grisaille de rochers. Je l’ai perçu comme un signe. Je t’ai pris dans le creux de ma main et ai souri à notre rencontre insolite. Curieuse, je te demandais :

‑ Que faisais-tu dans ce monde de grisailles ? 

- Je tente d’y apporter un peu de couleur. Je viens des rives d’une cité engloutie. Les sages qui la peuplaient m’ont enseigné la douceur et harmonie. Puis j’ai dû traverser des milliers d’années au cours desquelles je me suis posé sur des rochers dans l’attente qu’une personne me remarque et me prenne dans sa main.

- Comme moi ?

- Oui. Tu sais, ce n’est pas un hasard si nos chemins se sont croisés. Seules les personnes qui regardent avec le cœur sont capables de me voir.

- Petit coquillage, tu es l’empreinte de la beauté et de la perfection. Tu es ce vers quoi chacun aspire. J’aime la douceur de ta coquille qui me renvoie à mes souvenirs d’enfance ; en ces temps où l’insouciance était de mise, où je vivais ancrée dans le présent. Comme toi, j’ai été ballottée par quelques tempêtes mais j’ai tenu bon. Mon point d’ancrage est aussi un gros rocher que j’ai construit jour après jour, à force de convictions et d’amour. 

- Regarde le ciel ; la tempête approche… Rentrons.

Alors je mis le petit coquillage à l’abri dans le fond de ma poche. 

Depuis, il ne me quitte plus. Je t’égraine encore, encore et toujours, telles les perles d’un chapelet andalou. Petit coquillage à la forme parfaite qui roule sous mes doigts. 

 


Maud Goanvic Biographe

Dans la rue

Tous les jours tu es là. Homme debout, immobile, soutenu par des haillons disparates. Ton grand manteau gris  qui dégueule jusqu’aux chevilles, tes brodequins éventrés, ta barbe millénaire, te donnent  l’allure d’un Diogène urbain. Pas de tonneau pour t’abriter, juste un bout de rambarde qui soutient ton indigence et un coin de trottoir qui recueille tes sacs sales et difformes remplis de trésors désuets. Tu es immobile, stoïque dans ta misère. Ton regard semble fixer  le souvenir des temps heureux  qui ne sont désormais que chimères. 

Lorsque je te croise, tu es toujours tourné vers le soleil pour profiter de la chaleur de l’astre et comme si tu attendais son jugement. Quelques pigeons, indifférents, picorent à tes pieds. Tu te fonds dans ce décor urbain pour te faire oublier. D’ailleurs personne ne prête attention à ta présence. Personne ne veut voir ta misère.

Je ne connais pas ton histoire mais il dégage de ton être une stature impressionnante. Oserais-je dire que je te trouve beau ? Oui. 

Je sais que tu n’attends plus rien excepté la délivrance.

Demain, je vais tout de même te demander si je peux t’aider.

Maud Goanvic Biographe